Je vous parle d’un temps que les moins de trente-cinq ans ne peuvent pas connaître… Oui, en même temps, on peut aisément ressortir cette rengaine dès qu’il s’agit de parler de retrogaming. Mais tout de même, en ce qui concerne le genre du strip-poker sur micro, c’est particulièrement adapté. Nostalgie oblige, je m’autorise à faire une infidélité au Thomson pour parler de l’un d’entre-eux qui aura marqué ma pré-adolescence : Samantha Fox Strip Poker.
Parce que oui, alors qu’à la fin des années 80 les jeux vidéos étaient perçus avant tout comme une activité réservée aux enfants, les strip-pokers avaient droit de cité dans l’univers vidéoludique. Il n’était pas rare en feuilletant un numéro de Tilt de tomber sur des tests (courts) de ces softs, captures d’écran à l’appui. Rappelons-nous qu’à la même époque, Collaro faisait se déshabiller une playmate à la télévision en prime-time toutes les semaines, et que les publicités montraient des nichons pour vendre tout et n’importe quoi. Facebook, YouTube et la pudibonderie amerloque n’étaient pas encore passés par là.
Le sexe n’était donc pas totalement tabou dans la culture du jeu vidéo. Tilt lui consacrera d’ailleurs plusieurs dossiers, l’un en 1987 dédié spécifiquement aux strip-pokers, l’autre en 1988 sur l’érotisme dans les jeux en général. Et quoique d’apparence austère, le magazine de Blottière s’offrira tout de même dans son histoire quelques unes et quelques illustrations bien aguicheuses. Du côté de Micro News, on assumait encore plus, avec une rubrique thématique « Sex Machines » intégralement consacrée au cul. Et pas seulement dans les jeux vidéos.
Au début des années 90, l’industrie délaissera progressivement l’érotisme au profit de la guerre des bits (gag). Avec Teenage Queen, Ulrich et sa clique pousseront le genre du strip-poker vers une sorte d’apothéose, en s’autorisant en prime une belle pointe d’humour et d’ironie dans son twist final, afin que la morale soit sauve.
Les jeux d’aventure sexys façon Emmanuelle ou Fascination se feront de plus en plus rares. Seul Larry Laffer continuera vaillamment à se revendiquer aussi libidineux que de mauvais goût, grâce en soit rendue à Al Lowe.
Cette (longue) introduction pour vous dire que, parmi tous ces jeux proto-érotiques qui marquèrent l’industrie du jeu vidéo, celui auquel j’eus accès dans mes jeunes années fut Samantha Fox Strip Poker, sur les Amstrad CPC des copains. Des jeux du même genre existent-ils sur Thomson ? Je n’en ai jamais entendu parler, si l’on fait exception naturellement des moments “chauds” dans les deux Passagers du vent. Aussi je lance un appel : lecteurs thomsonistes érudits qui me lisez par millions, merci de m’indiquer si des jeux érotiques furent développés pour la gamme MOTO !
Je serais d’autant plus ravi de le savoir que cela me permettrait de me rendre compte à côté de quoi je suis passé. Parce que bon, s’il m’a fichtrement marqué, Samantha Fox Strip Poker n’est clairement pas l’un des meilleurs jeux érotiques que l’on puisse imaginer. Et dans la mesure où la modèle et chanteuse britannique Samantha Fox comptait parmi les sex-symbols les plus marquantes des années 80 comme du Top 50, il y a franchement de quoi se flinguer.
Je vais, encore une fois, citer Tilt qui n’a pas tort en écrivant, à propos du jeu : « Investir dans la bonne vieille technique de Gutenberg sublimée par la quadrichromie s’avère plus rationnel ». Les magazines emplis de photos de nu de la jeune femme ne manquaient en effet pas dans les kiosques. Sauf que j’avais douze ans, et qu’il aurait été audacieux de demander à ma maman de m’en acheter un en même temps que le dernier Nova. Pour le reste de l’article de Tilt, je ferais bien remarquer à son auteur que ses circonvolutions stylistiques n’excusent pas le mépris dont il fait preuve à l’égard de la chanteuse et de son « anatomie mammaire ». Mais bon, on va dire qu’il y a prescription.
En matière d’anatomie, au demeurant, la belle Samantha ne se dévoilera guère aux yeux du joueur. La jeune femme se présente au début vêtue d’un manteau, d’une écharpe, d’un chapeau et de lunettes de soleil, ce qui donne envie de lui rappeler que son nom figure en toutes lettres sur la boîte du jeu et que ce n’est donc pas la peine d’essayer de passer incognito. Par la suite, au fur et à mesure des victoires, quatre autres images montreront la donzelle se découvrir jusqu’à finir seins nus. Et c’est tout.
Fait remarquable et étrange : Battre totalement votre adversaire ne débloque aucune image finale. Ce qui est légèrement frustrant, et va à l’encontre du principe de base de tout strip-poker qui se respecte. Certes, on ne perd pas grand chose : les photographies digitalisées ne constituent jamais qu’une bouillie de pixels en noir et blanc et n’ont au final rien de bien affriolant. Sauf pour des ados prépubères à l’ère pré-Internet, évidemment.
Du côté du gameplay, nous sommes en présence d’un jeu légèrement sinistre et terriblement lent. L’ordinateur met à chaque fois plusieurs secondes à décider sa prochaine action, les cartes sont probablement distribuées par une nonagénaire tant elles mettent du temps à arriver, et le tout sur un grand écran vert qui ne rappelle pas franchement l’ambiance endiablée d’un casino de Las Vegas. Petite mention tout de même à la musique qui accompagne les phases de découverte des images, en l’occurrence la composition The Entertainer de Scott Joplin, rendue célèbre par le film L’Arnaque.
Je note encore que Samantha Fox Strip Poker sur CPC propose une variété de poker assez particulière, qui se joue avec des mains de sept cartes : les deux premières cachées à l’adversaire, les quatre suivantes visibles, et la dernière cachée de nouveau. Une petite recherche Google m’a permis de découvrir que cela s’appelle le Stud Poker, et je me coucherai donc un peu moins idiot ce soir. En l’occurrence, c’est un mode de jeu vraiment intéressant. Et qui apporte au soft une réelle valeur ajoutée, au point qu’on lui pardonne sa lenteur et qu’on finit par prendre un certain plaisir à le jouer. Du moins durant quelques minutes. Pas des heures.
Par acquis de conscience, je me suis intéressé à d’autres versions du jeu via la magie des émulateurs. Chose amusante, le portage Spectrum de Samantha Fox Strip Poker est d’apparence très similaire à la version Amstrad, mais présente des images (un peu) différentes. Et cette fois, le joueur a droit à une image finale s’il parvient à défaire totalement son adversaire.
Bon, en réalité ce n’est qu’un gros plan sur une image déjà présente dans la version Amstrad, et la qualité toujours aussi médiocre des photographies ne fera bondir personne de sa chaise, mais c’est tout de même la moindre des choses. Sinon, l’IA de Samantha semble plus frileuse sur Spectrum qu’Amstrad, mais c’est peut-être juste une impression liée au climat britannique.
Franchement plus bizarre, la version Commodore 64 de Samantha Fox Strip Poker est très différente des versions Amstrad comme Spectrum. Pas seulement en matière graphique, mais jusque dans la variété de poker retenue. Sur C64, ce sont les règles les plus basiques qui ont cours : le joueur reçoit une main de cinq cartes, au sein de laquelle il peut choisir d’en jeter de zéro à cinq après avoir misé. En somme, le poker auquel nous avons tous joué en famille dans notre jeunesse, la séance d’effeuillage en moins. Enfin j’espère, sinon vous avez baigné dans un environnement familial franchement chelou.
Cette différence entre le portage C64 et ceux sur Amstrad et Spectrum n’est pas la seule. Fait extraordinaire : les concepteurs ont trouvé le moyen de pondre des images encore plus moches que sur les deux autres machines. Quant à l’érotisme, on repassera : au fur et à mesure de ses défaites, la très chère Samantha Fox ne semble guère se déshabiller. Ou alors tout se passe en dehors de l’écran, tant il est vrai que le cadrage privilégie constamment des coupes au niveau des épaules. Seule la dernière image offre un peu de piment, mais encore une fois uniquement si vous avez développé un fétichisme des pixels à force de regarder des pornos japonais.
C’est d’autant plus dommage que la version commodore est la plus vivante des trois : les effets sonores qui l’agrémentent lui donnent un peu de personnalité, et vous voyez votre adversaire durant les phases de jeu et pas seulement par écrans interposés. Hélas, les commandes mal fichues vous feront souvent commettre des erreurs, jusqu’à devenir votre seul réel adversaire. L’IA du jeu est en effet tellement à l’ouest qu’il convient de parler de SA, pour stupidité artificielle, et vous n’aurez aucun mal à en venir à bout. À moins de perdre patience avant, ce qui risque fort d’être le cas.
Alors, que retenir de Samantha Fox Strip Poker ? Aussi précieux soit ce jeu dans mes souvenirs, l’honnêteté me contraint de reconnaître qu’il s’agit d’un logiciel particulièrement médiocre. Son caractère ludique n’est pas nul, mais n’a rien de mirifique non plus, et sa dimension érotique tend plus du coté de la liturgie des Heures que du Playboy Mansion. Reste le plaisir de se souvenir d’une icône des années 80, qui mène d’ailleurs toujours de front sa carrière de chanteuse et, accessoirement, demeure pleine de charme(s).
Samantha Fox Strip Poker est avant tout à prendre comme le témoignage d’une époque sensiblement débridée, dernier avatar de la libération sexuelle des années 60 et 70. Avec tous les dérapages que cela comporte, en matière d’exploitation du corps de la femme à des fins mercantiles, dont le monde de l’informatique usait et abusait à grands renforts de publicités putassières. Le puritanisme ambiant, sinon le retour à l’ordre moral auquel nous assistons via la prédominance de quelques sociétés californiennes sur nos vies, est-il préférable ? Il semble que dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le juste milieu soit aussi difficile à trouver que le point G.
C’est pas du poker, mais il y a du strip ==> http://dcmoto.free.fr/programmes/strip-21/index.html
[img]http://dcmoto.free.fr/programmes/strip-21/04.png[/img]
Merci Sam, j’irai voir ça ! 🙂
Sur CPC les images paraissaient moins pourraves sur écran monochrome.
Le jeu étant d’ailleurs sorti assez tôt, je me demande s’il n’a pas été conçu pour ces écrans là justement !
Touchante cette préoccupation pour les émois pubertaires des ado de l’époque par les sociétés de jeux vidéo. Il y avait déjà des interdictions d’achat pour les plus jeunes ? Elle a touché combien la Samantha pour s’afficher comme ça ?
Belle poitrine quand même ^^
J’avoue ne pas avoir poussé l’investigation jusqu’à m’enquérir du salaire de la belle Samantha ! ^^
Sur Thomson il y a encore plus osé : Bedroom Olympiads
http://dcmoto.free.fr/programmes/bedroom-olympiads/index.html
Merci Daniel. En effet, ça a l’air torride (et un peu absurde sur les bords) !