Comment, dix ans déjà ? J’ai eu un peu de mal à le croire mais la réalité s’est imposée à moi sans ménagement, comme elle aime à le faire. Ce valeureux blog que je n’alimente que deux à trois fois par an (dans le meilleur des cas) a dix ans. Le 22 novembre 2014, j’y publiais mes deux premiers billets : le premier pour annoncer (en retard et péremptoirement) la mort du TO8D, le second pour parler d’un des jeux qui a le plus marqué ma prime jeunesse. À savoir Aquanaute, programmé par Bruno Ouachée et édité en 1988 par France Image Logiciel. Sans doute la toute première disquette qu’à l’époque, j’ai insérée dans le lecteur de mon Thomson flambant neuf.
Et pour ne rien vous cacher, j’ai parfois regretté au fil des années d’avoir tout de suite ouvert le bal en parlant d’Aquanaute. C’était logique, puisque le jeu a laissé une empreinte importante dans ma mémoire, et a évidemment inspiré le nom même de mon modeste site. Mais c’était aussi mal avisé, car je n’avais pas encore, à ce moment-là, clairement décidé comment m’organiser. Je tablais alors sur des billets de petite taille et m’imaginais en rédiger de façon régulière, un toutes les semaines ou tous les quinze jours. De quoi bien faire rigoler aujourd’hui, au regard du rythme de production qui s’est finalement imposé. Mais aussi de la taille des papiers, bien plus longs que ce que j’imaginais. Que voulez-vous ? Je suis bavard, je le sais bien.
De fait, j’ai l’impression de ne pas avoir tout dit sur ce jeu, ou de l’avoir mal dit. Mais par chance, il se trouve que je suis libre de faire absolument tout ce que je veux puisque je suis chez moi. Du coup, à l’occasion du dixième anniversaire de mes Souvenirs et opinions d’un Thomsonaute, pourquoi ne pas revenir sur Aquanaute ? D’autant qu’entre-temps, j’ai découvert qu’une version Amstrad CPC existait. Sans oublier qu’en l’espace de dix ans, j’ai réussi enfin à mettre la main sur un exemplaire en boîte du jeu, franchement inespéré au regard de sa rareté. J’ai donc considéré ces découvertes prodigieuses comme autant de signes indéniables. Il était temps de retourner dans les profondeurs abyssales à la recherche de trésors improbables.
Car c’est bien cela, l’objectif de l’aquanaute que nous incarnons dans le jeu : aller fouiner dans des coffres tout au fond de l’océan, après avoir évité des rascasses, des requins, des murènes, des pieuvres, et même des mines flottantes. De quoi se demander pourquoi on s’obstine à plonger dans des eaux aussi mal fréquentées. D’autant qu’une fois le trésor récupéré, non seulement les soucis continuent, mais ils s’amplifient. Il faut en effet remonter à la surface, affronter cette fois des anguilles, des méduses et des lascars armés de fusils-harpons, le tout avec un personnage qui commence à ralentir du fait du manque d’oxygène, et en ayant à gérer les paliers de décompression.
C’est en effet l’une des mécaniques du jeu les plus marquantes, et qui fait sans doute son originalité. Aquanaute fait évoluer le joueur de tableaux en tableaux. Pour descendre, pas de souci : il suffit d’atteindre le bas de l’écran pour passer au tableau suivant. Facile. Pour remonter, en revanche, c’est une autre paire de palmes. Il faut se coller tout en haut de l’écran, et attendre un décompte de dix (plus ou moins longues) secondes pour pouvoir progresser. Et pas question de bouger : le moindre mouvement réinitialise le compteur. Ça n’a l’air de rien, mais déjà, quand on manque de patience comme moi, c’est irritant. Et ensuite, quand on une murène aux fesses, c’est encore plus problématique.
Je l’ai déjà dit dans mon précédent papier, je le répète : Aquanaute est terriblement difficile. À l’époque, je n’ai simplement jamais réussi à remonter sur le bateau en un seul morceau, et je ne sais pas si c’est humainement possible. Sans doute, mais à condition d’avoir une chance qui défie les règles connues de probabilités. Si je suis parvenu, bien plus tard, à récupérer le fruit de mes aventures sous-marines sans me faire déglinguer par une mine ou un harpon, c’est uniquement grâce à la fonction de sauvegarde de l’émulateur DcMoto. Quitte à m’y reprendre des dizaines de fois, en progressant quasiment pixels par pixels. Oui, les jeux de l’époque étaient clairement plus difficiles qu’aujourd’hui. Mais là, dans le genre, on frôle la cruauté.
Dans ce cas, pourquoi un jeu aussi retors, que je n’ai jamais réussi à vaincre ne serait-ce qu’une seule fois, m’a laissé un tel souvenir ? D’abord, parce que le le trouve beau. Petit jeu ou pas, Aquanaute se distingue par un très beau sens des couleurs, de l’azur impeccable du ciel et des vagues jusqu’aux dégradés de vert à mesure que l’on s’enfonce dans les abysses. C’est vraiment là le point fort esthétique du jeu, même si certains de ses graphismes ne manquent au demeurant pas de charme. En particulier la représentation des fonds marins, avec leurs épaves de bateaux et leurs vestiges d’on-ne-sait quelle ancienne civilisation.
Et puis, plus simplement, si Aquanaute est autant resté dans mon esprit, au-delà de la nostalgie de l’enfance, c’est pour ses promesses. Les jeux d’alors étaient souvent bien basiques, et il fallait faire marcher son imagination pour combler les trous. Cette civilisation que j’évoquais précédemment, quelle était-elle ? Pourquoi ces ruines enfouies tout au fond de l’océan ? Et cette île au sable jaune qui apparaît au loin, lorsque l’on remonte à la surface sans rejoindre son bateau, que pourrait-on y trouver ? Compte-t-elle une faune, une flore, des habitants ?
Dans le fond, c’est le cas de le dire, Aquanaute a des allures de jeu d’aventure et d’exploration, ce qu’il n’est pourtant pas. Malgré son principe somme toute simpliste, qui consiste à descendre puis à remonter le long de tableaux en priant le ciel pour revenir en vie à son point de départ, il parvient à dégager une atmosphère qui le dépasse lui-même, et ouvre la porte aux rêves. Encore faut-il, évidemment, l’investir de la sorte. Je comprendrais parfaitement que d’autres joueurs aient pu le percevoir comme un jeu de type arcade terriblement linéaire, et frustrant de par sa difficulté. Car c’est aussi ce qu’il est, on ne va pas se mentir.
Au fait, je vous parlais d’une version Amstrad CPC. Bizarrement, je n’en avais jamais eu vent jusqu’à récemment, convaincu que le jeu était une exclu Thomson, et c’est au hasard d’une publicité aperçue dans une vieille revue que je l’ai découverte. L’occasion de la tester pour voir un peu les différences, avec l’espoir secret d’encore mieux justifier un nouvel article sur le jeu, les portages de l’époque pouvant parfois totalement changer la donne selon les machines.Il suffit de comparer les versions Amstrad (géniale) et Atari (horrible) d’un jeu comme Exolon.
Sauf que ce n’est pas du tout le cas pour ce qui concerne Aquanaute. À l’exception de quelques nuances assez marquées au niveau de la palette des couleurs, qui rendent objectivement la version Amstrad plus douce pour les yeux, les deux jeux sont identiques au niveau des mécaniques, des graphismes, tout comme en matière de fluidité… ou de difficulté. Par contre, les noms indiqués dans le tableau des high-score ne sont pas les mêmes sur Thomson et sur Amstrad. Et si je juge nécessaire de le préciser, ce n’est pas du tout pour tirer à la ligne.
Mais Aquanaute n’est pas le seul jeu… à s’appeler Aquanaute. Enfin, techniquement si dans la version française du terme, mais il ne m’a pas semblé inutile d’aller voir à quoi ressemblait d’autres jeux Aquanaut, cette fois en anglais. À commencer par un Aquanaut de 1984 sorti sur Commodore 64. Ce qui m’a imposé à devoir apprendre à utiliser les émulateurs C64 (bonjour la purge), le tout pour me retrouver face à un shoot-em-up pas forcément terrible, auquel j’avoue n’avoir consacré que quelques minutes de mon temps. Le jeu pourrait aussi bien se passer dans l’espace avec son fond noir incessant, et même si les ennemis rencontrés ont des allures aquatiques, on est loin de ressentir l’ivresse des profondeurs.
Quelques années plus tard, en 1989 (ou 1990 selon certaines sources) sortait un nouvel Aquanaut, sur Atari ST et Amiga. Si l’on est toujours dans le shoot-em-up, le côté sous-marin est nettement plus sensible puisque c’est bien un plongeur que l’on dirige. Même s’il tire des torpilles de sa tête, allez comprendre la technologie. La version Amiga, à laquelle j’ai joué, est nerveuse et réactive, et je n’ai pas boudé mon plaisir à dégommer quelques espadons et requins mutants, tout en évitant autant que faire se peut les dauphins et les sirènes. Oui, parce qu’il y a des sirènes dans le jeu. On se lasse assez vite toutefois, et je n’ai pas poussé la curiosité jusqu’à passer le premier niveau, me contentant d’une vidéo YouTube pour voir la suite.
Il reste encore des Aquanaut sur PlayStation. En l’occurrence, Aquanaut’s Holiday, dont existe une version PS1 (sortie en 1996) à laquelle s’ajoute une suite, et une version PS3 (sortie en 2008). Dans les deux cas, j’avoue ne pas y avoir joué. Les émulateurs PlayStation sont une plaie à faire tourner, et si j’ai les machines à la maison, trouver les jeux n’a rien d’une sinécure. La version PS3 en version anglaise se vend même à prix d’or. C’est assez dommage par ailleurs, car les vidéos que j’ai pu regarder montrent un jeu résolument tourné vers l’exploration océane, avec une ambiance plutôt onirique et reposante. Le remake PS3 a même l’air tout à fait charmant du point de vue graphique. Bref, des jeux bien plus dans l’esprit de ce que devrait être un Aquanaute à mes yeux. Mais il est vrai que personne ne m’a demandé mon avis.
À ce moment-là de mon billet, ceux qui n’ont pas encore renoncé à sa lecture doivent se dire que je fais tout de même l’impasse sur un paquet de jeux sous-marins, en ne retenant que ceux dénommés Aquanaute. Et c’est exact. J’ai jeté un oeil à des Maracaibo, Scuba Dive ou Pacific, sans être particulièrement convaincu. Il est vrai que ce sont des jeux que je n’ai pas connu à l’époque, et que dès lors je n’ai pas la mansuétude que confère la nostalgie. Si vous avez vibré sur ces jeux dans les années 80, ne m’en veuillez pas, vous savez bien comment ça fonctionne !
Je me doute aussi que je suis passé à côté de beaucoup d’autres titres, mais le temps m’a manqué (contrairement à la flemme) pour vraiment prendre le temps d’inspecter une à une toutes les réalisations en lien avec le thème de l’exploration des océans. Et ceci jusqu’aux plus récentes. Ainsi, honte sur moi, je n’ai pas encore joué ni à Subnautica, ni à Abzu. Sacrilège d’autant plus impardonnable que les deux jeux sont particulièrement populaires, et qu’ils semblent comporter tout ce que recherche dans le genre.
Mais il est vrai que mes espoirs ont été largement comblés avec un seul et même jeu, sur lequel j’ai passé un nombre d’heures absolument indécent. Je veux naturellement parler de Dave The Diver. Lorsqu’un ami qui me connaît bien (coucou Fabien) me l’a suggéré, il l’a fait en ces termes : « J’ai trouvé le successeur d’Aquanaute ! ». Et il avait raison. Dave The Diver est une petite merveille qui mélange action et aventure en proposant des ambiances très poétiques servies par une bande-son magnifique. Il a bien sûr quelques défauts, mais c’est clairement l’Aquanaute dont je crois avoir toujours rêvé. En attendant le prochain ?
Pour conclure, une petite note plus personnelle, parce que dix ans de blog, tout de même… Évidemment, le rythme sporadique des publications rend les choses moins impressionnantes que si je sortais un billet toutes les semaines. Mais parmi les autres blogs que j’ai pu tenir ces dernières années, celui-ci est le seul à avoir survécu. Avec le temps, j’ai diversifié les sujets. Je suis très fier de mon papier sur Maria Whittaker, par exemple. J’ai parlé de jeux sur d’autres machines, ou de jeux plus récents, comme A Short Hike. Pour autant, il reste des softs Thomson à évoquer, donc je ne pense pas m’éparpiller au-delà du raisonnable. J’ai encore de la matière, mais je m’autoriserai aussi des écarts, parce que c’est comme ça que c’est drôle.
Quand j’ai lancé le Thomsonaute, j’affrontais la nostalgie inhérente à la crise de la quarantaine. C’est aujourd’hui celle de la cinquantaine qui s’approche dangereusement, encore deux ans et nous y sommes. Mes cheveux ont bien blanchi entre-temps et mon tour de taille ne s’est décidément pas arrangé. Ce blog, mine de rien, c’est aussi un petit fil qui me raccroche encore à des souvenirs d’enfance, des sensations, des émerveillements, alors que le temps nous émousse. C’est mon petit témoignage de la vie qui passe, qui m’est aussi anecdotique qu’essentiel. Merci à toutes celles et tous ceux qui ont posé le regard dessus, et m’ont souvent exprimé leur bienveillance dans les commentaires, même si cela n’a rien d’un passage obligé. Allez, on écrase une larme, et on repart pour dix ans ?
Bonjour,
Je garde ton site derrière l’oreille et me dis à chaque fois que j’ai mieux à faire que de flâner en te lisant.
Je pêche quelques fois et alors tu m’absorbes dans tes souvenirs, tes pensées et je revis finalement mes propres souvenirs !
Incroyable! Moins poète mais tout aussi rêveur et nostalgique .
Tu as tout dit : tous ces jeux Thomson n’avaient de sens qu’avec notre imagination et notre curiosité, qui plus est avec le son absent dans la quasi totalités des softs.
Aquanaut faisait partie de ceux qui semblaient parfait. Qu’est ce qui pouvait être aussi parfait que le silence du fond des océans ?
Au plaisir.
Merci pour ce gentil retour ! Et Heureux de voir que je ne suis pas le seul (ce qui n’est pas une surprise finalement) à avoir eu ce ressenti. 🙂
On est la les amateurs de Thomson, souvent plus par obligation que par choix à l’époque avouons le. Mais la machine reste en mémoire, surtout quand c’est la première de sa vie.
Super article comme toujours, mais c’est marrant je ne connais pas du tout ce jeu, j’ai même pas le souvenir d’un test à l’époque dans un magazine. Mon Aquanaute à moi serait le jeu Cobra, première disquette insérée sur mon TO8D. C’était nul comme jeu mais je le réalisais pas à l’époque et le jeu me faisait rêver.
Sinon ici aussi la cinquantaine approche à grand pas, on doit être de la même génération 🙂
Merci Seb ! Cobra aussi j’ai connu, finalement pas si mal mais c’est encore la nostalgie qui parle sans doute. Oui de 1976 moi, aucun doute que les fanas du Thomson sont dans la même tranche d’âge. 😉