Libérés enfin, mes yeux
Ont regardé le scaphandrier de l’aquarium
Qui cherche un trésor planqué
Sous les cailloux bariolés.
Pauvre bonhomme…
Réalisé bien avant elle, c’est à cette chanson pourtant que me fait penser aujourd’hui Aquanaute, un jeu signé Bruno Ouachée et édité par FIL en 1988, soit l’année de mes douze ans. Mes souvenirs sont vagues mais je pense qu’Aquanaute compte parmi les premiers jeux auxquels j’ai joué sur Thomson TO8D. Il compte en tout cas parmi ceux qui m’ont le plus marqué.
L’aquanaute que vous incarnez, c’est ce petit bonhomme équipé de sa bouteille d’oxygène, de ses palmes et de son tuba, qui emprunte l’échelle de son bateau pour s’enfoncer dans les profondeurs océanes à la recherche de coffres contenant les trésors qu’il convoite. Mais l’océan étant un monde bien mal fréquenté, notre aventurier des bas-fonds devra éviter les requins, les mines, les murènes ou les plongeurs ennemis qui ont décidé de lui mettre des bâtons dans les palmes.
Divisé en tableaux, cette simulation de plongée sous-marine – mais oui, c’en est une – vous emmènera jusque vers l’épave d’un galion échoué, avec ses petits coffres de trésor disséminés un peu partout. Mais gare à la méchante pieuvre qui se prend pour une araignée en rampant sur le sol et vous pourchasse impitoyablement. Gare également à ouvrir le bon coffre : si vous optez pour le mauvais, la clé que vous avez en votre possession se brisera et il ne vous restera plus qu’à remonter bredouille sur votre bateau pour en prendre une autre. Car notre brave plongeur n’a pas assez de poches pour emporter deux clés avec lui en même temps.
L’ambiance d’Aquanaute a quelque chose d’à la fois poétique et oppressante. Si les premiers tableaux sont encore tout chous-mignons, offrant un joli bleu ciel et d’aimables poissons bizarres qui gambadent sans chercher à vous faire du mal, la plongée dans les profondeurs nous amènent dans un vert foncé bien plus menaçant, jusqu’à ce que l’on atteigne le fond de l’océan, son épave, ses ruines de marbre et ses crevasses inhospitalières. Un moment de toute beauté que les murènes prendront soin de gâcher en vous mordant sans prévenir, les sales bêtes.
Mais ce qui fait l’un des points forts d’Aquanaute, c’est son système de palier de décompression. En effet, un plongeur qui remonte à la surface doit s’attacher à ne pas aller trop vite, afin de ne pas sombrer dans ce que l’on appelle l’ivresse des profondeurs. Ici, alors que votre descente se fait à toute allure – pour peu que vous ayez pris l’habitude d’éviter les différents dangers qui émaillent votre parcours –, la remontée prendra un temps fou, vous obligeant à patienter le temps d’un décompte de dix (plus ou moins) longues secondes avant de pouvoir atteindre le tableau suivant.
Ajoutez à cela que votre réserve d’oxygène diminue à vue d’oeil, ce qui a pour effet de ralentir votre personnage, et vous voici à galérer avec un bonhomme d’une lenteur exquise, cerné d’ennemis vicieux, et contraint d’attendre encore pour pouvoir rejoindre le confort de sa cabine. Autant dire que le dernier tableau avant la victoire, dans lequel vous devez éviter deux plongeurs fous du harpons, relève de la gageure.
Bien entendu, niveaux après niveaux, la difficulté augmente. Le parcours reste totalement identique mais les dangers sont de plus en plus nombreux. De même que les coffres, ce qui augmente mathématiquement les chances de ne pas trouver le bon et de devoir tout recommencer. On arrive à la fin vers des tableaux qui demandent une dextérité que la maniabilité du jeu, pour le moins statique, ne vous permettra que rarement d’atteindre. Heureusement que les émulateurs ont des fonctions de sauvegarde : petit, je crois n’être jamais arrivé à remonter ne serait-ce qu’un seul trésor à la surface.
Mais cela ne m’a pas empêché de passer des heures devant ce jeu, de savourer son ambiance et de me promener dans les fonds maritimes les plus mystérieux. Un petit goût de Jules Vernes sur mon écran ? Il y a de ça. Et un choc esthétique, derrière ces gros pixels. Pour autant, mon tableau préféré reste sans doute le premier, celui sur le bateau. La sérénité des vagues et de la ligne d’horizon y est telle que je jurerais entendre le murmure de la brise et le remous délicat des flots. Mais bon, je dis ça juste pour faire mon poète.
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