Bobo

J'écris ton nom, Bobo !

J’écris ton nom, Bobo !


La magie de l’émulateur, ce n’est pas seulement de pouvoir rejouer aux jeux qui nous ont procuré tant d’émotions lorsque nous étions enfants ou adolescents. C’est aussi de pouvoir jouer à ceux que l’on n’avait pas et qui nous faisaient tellement envie. Et c’est très précisément – pour ce qui me concerne – le cas de Bobo.

 

Il faut se souvenir combien c’était galère d’acheter des jeux à l’époque, en particulier pour un Thomson. La vente par correspondance – via Micromania, généralement – prenait un temps fou et j’étais de fait prisonnier des stocks fluctuants du Conforama pas trop loin de chez moi, seule boutique à proposer des disquettes pour TO8. Bref, tout était bien plus compliqué avant que le Minitel puis Internet ne viennent nous libérer de nos chaînes.

 
Et si je cultive avec beaucoup de subtilité le champ lexical de la détention dans le paragraphe précédent, c’est parce que Bobo est une adaptation de la bande dessinée du même nom, contant les mésaventures d’un prisonnier tentant par tous les moyens de s’évader de son bagne. Je n’étais pas un lecteur de Bobo, je ne le suis toujours pas, mais le jeu m’intriguait et je désespérais de pouvoir me le procurer un jour. Il aura fallu plus de vingt ans pour que cette attente soit comblée, mais mieux vaut tard que jamais !

 
La question cruciale reste naturellement la suivante : le jeu est-il aussi bon que l’idée que je m’en faisais ? Dur de répondre : mes critères de jugement ont énormément évolué et il m’est strictement impossible de me remettre dans l’état d’esprit où je me trouvais à dix ou onze ans. Mais dans la mesure où je prenais plaisir à jouer à quelque chose d’aussi lent que Green Beret ou d’aussi bordélique que Game Over, je suppose que j’aurais adoré jouer à Bobo.

 

Un bel écran d'accueil, coloré et bien agencé.

Un bel écran d’accueil, coloré et bien agencé.

 

Bobo est une création Infogrames, et ça c’est déjà bon signe. C’est même amusant de voir qu’Infogrames jouit d’une horrible réputation auprès des retrogamers console alors qu’en ce qui concerne mon petit Thomson, la marque au tatou était synonyme de bons graphismes, de maniabilité convenable et d’une vraie recherche de gameplay. Tous les jeux Infogrames ne sont pas bons, mais aucun n’est bâclé. Et c’est déjà énorme sur une machine aussi méprisée par les éditeurs.

 
Première chose à dire, donc : Bobo est beau. On a vu sur Thomson des graphismes plus fins et les pixels sont au rendez-vous, mais le jeu est coloré et vivant et jouit d’un environnement graphique à la mode BD vraiment agréable et qui sait mettre dans l’ambiance. En peu de temps, l’univers du jeu s’impose au joueur, qui ne pourra dorénavant le confondre avec aucun autre. Rien que l’écran titre du jeu est une petite merveille de poésie.

 
Deuxième chose à dire : Bobo est rapide et maniable, démontrant ainsi que l’on peut parfaitement programmer un jeu sur Thomson qui affiche plusieurs couleurs à l’écran sans devenir atrocement haché ou péniblement moribond. Certes, des ralentissements peuvent survenir en cas d’écran surchargé , mais ils ne sont pas plus dommageables pour le jeu que sur n’importe quelle autre machine de l’époque. Et les trois missions proposées au joueur sont servies par une jouabilité digne de ce nom.

 
Comment ? Qu’avez vous ouï ? Ai-je bien parlé de trois missions ? Hé oui, et c’est là que le bât blesse : Bobo n’est en fait qu’une collection de trois mini-jeux et ne propose aucun scénario d’ensemble. On est somme toute proche de la configuration des Dieux de la mer ou des Dieux de la glisse, sauf que ces jeux-là sont des simulations de sport, ce qui justifie pleinement l’absence d’histoire comme de fin. Tandis qu’on était en droit d’attendre d’une adaptation BD qu’elle ambitionne de nous raconter quelque chose…

 
Premier jeu : Bobo nettoie la prison. Dans un couloir aux multiples portes, il doit empêcher les détenus, les gardiens ou leurs chiens de circuler partout et de saloper le sol. Il doit également passer la serpillière pour nettoyer les traces qui finissent immanquablement par se manifester, et tout cela sous le regard du directeur qui vient de temps en temps jouer les inspecteurs des travaux finis.

 

Bobo3

Matons boueux.

 

Disons-le tout net : cette partie du jeu est loin d’être la meilleure. On s’ennuie un peu à courir de portes en portes pour repousser les cradifieurs de service, et encore plus à jouer du balai espagnol. L’intérêt est faible: au bout de deux minutes, on a plutôt envie de passer à autre chose. Ce qui tombe bien, puisque c’est à peu près la durée de ce jeu.

 
Pour changer, pourquoi pas une petite partie de trampoline ? Enfin, soyons clair : ce n’est pas Bobo qui valdinguera dans les airs mais ses compagnons de cellule, plus ou moins puisqu’ils se jettent courageusement depuis les fenêtres, faisant confiance à votre personnage pour les réceptionner en poussant un trampoline juste dessous et leur permettre, de rebonds en rebonds, de passer par dessus le mur du pénitencier. Soit la tentative d’évasion la moins discrète du monde. Tout le monde ne peut pas être un baron de la drogue.

 
Nettement plus fun, cette deuxième partie se présente un peu comme un casse-briques ou un Pong dans lequel la raquette serait remplacée par un trampoline. Le but est de réceptionner les prisonniers et d’essayer d’ajuster le point d’impact pour les faire partir le plus haut possible vers le mur de gauche et leur permettre de passer par-dessus. C’est rigolo, mais cela semble quelque peu relever de l’aléatoire, tant la dynamique des rebonds manque cruellement de souplesse.

 

Comme on dit dans l'aviation : Boing boing !

Comme on dit dans l’aviation : Boing boing !

 

On s’amuse à courir de prisonniers en prisonniers et d’essayer de ne laisser personne tomber par terre, mais si je suis arrivé à envoyer quelques détenus à l’extérieur, il serait très orgueilleux de ma part de prétendre que je l’ai toujours fait totalement exprès. Et je ne suis pas certain qu’un as de la manette arriverait à libérer tout le monde avec brio. Enfin, je préfère ne pas plus m’avancer sur la question, c’est un coup à se faire humilier pour pas un rond !

 
Reste la troisième mission : Bobo a réussi à s’évader (on se demande quand il en a trouvé le temps) et court à présent sur les… lignes de haute tension du pénitencier. Une méthode qui vaut bien celle des candidats à l’immigration clandestine qui se cachent dans les réacteurs des avions…

 
Ce dernier mode de jeu est sans conteste le plus intéressant. D’abord par sa présentation, une sorte de fausse 3D avec un scrolling horizontal, façon Klax. Votre personnage devra ramasser des bonus tout en évitant les transformateurs grésillants qui parsèment sa route vers la liberté. Pour cela, il devra sauter de lignes en lignes, jonglant entre trois chemins possibles. Esthétiquement, ce mini-jeu est magnifique : des couleurs rouges vives et un soleil écrasant à l’horizon donnent une dimension infernale au tableau.

 
Une dimension amplement méritée d’ailleurs. Cette dernière partie de Bobo pose encore souci par sa difficulté, immédiatement à son top niveau, et par le caractère pour le moins capricieux de ses masques de collision, ou hitbox pour les intimes. Il n’est pas rare que l’on se fasse virer des fils sans savoir pourquoi ni comment, après avoir bel et bien évité les étincelles meurtrières ou autres obstacles indésirables.

 

Une saison en enfer.

Une saison en enfer.

 

Et que les choses soient claires : les points de vie ou les barres d’énergie, c’est pour les choules. Ici le moindre choc a valeur de game over : autant dire qu’une partie peut durer trois secondes et qu’il ne vous reste plus qu’à recommencer. Heureusement, il est possible de retenter immédiatement sa chance sans avoir besoin de recharger le jeu.

 
Mais l’intérêt s’émousse encore une fois assez rapidement : seul compte ici le score, et jamais Bobo ne verra le bout de sa ligne de haute tension. C’est assez déprimant mais c’est ainsi : seule la mort le délivrera de sa bien triste détention. Et c’est bien là, comme je l’ai mentionné plus haut, ce qui rend le jeu un peu triste : il n’a pas de fin. Vous pouvez jouer les trois modes séparément ou à la suite, vous avez votre score, et voilà tout.

 
De fait, si le traitement esthétique du jeu est impeccable, si les mini-jeux proposent des gameplays plutôt audacieux et peuvent s’avérer franchement distrayants, on regrettera tout de même cette absence de narration, cette sensation constante de non-fin qui laisse le joueur sur la sienne, de faim, si vous me permettez la faute d’orthographe.

 
Une mention spéciale, toutefois, pour les trois mélodies différentes qui ponctuent chacune des missions de Bobo. À la fois hystériques et vraiment sympathoches, elles constituent – sur une machine où les musiques dans les jeux n’étaient pas légion – la véritable récompense pour le joueur. Mais une récompense que l’on décrochera toujours, que l’on gagne ou que l’on perde.

 

Pour peu qu’il soit possible de gagner ou de perdre dans un jeu qui renvoie toujours à son écran d’accueil. Car c’est là que l’on finit sa vie, comme d’autres gars l’ont finie.

 

Tragique dénouement.

Tragique dénouement.

One comment

  1. __sam__ dit :

    Sympa l’article. J’avais vu les pubs à l’époque mais n’ai jamais eu la curiosité de savoir à quoi il ressemblait. Avec cet article c’est fait.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *